Isolation de câbles au champ de mars : le dilemme d’une action préventive ou d’un Etat pompier !

Au gré d’un gouvernement dépassé par la conjoncture politique, les préparatifs pour la réalisation de la plus grosse fête populaire du terroir ( le carnaval national) se font à pas de tortues. Du moins, apparemment. Deux dimanches pré-carnavalesques ont eu lieu dans le sillage d’une insécurité grandissante. Cependant un autre type d’insécurité semble être jugulée cette année. Les animateurs des chars musicaux n’ont vraisemblablement plus rien à craindre sous des câbles électriques.

En effet, depuis les derniers incidents survenus en plein carnaval, où l’un des chanteurs du groupe Barikad crew avait heurté un câble de moyenne tension occasionnant la mort de plus d’une cinquantaine de personnes (selon les chiffres officiels), le comité organisateur semble pour une fois choisir l’option de prévention. On se souvient de cette vague déferlante d’ambulances de ce mardi matin gras, dans l’air du champ de mars essayant de secourir les victimes d’une tragédie pour le moins, prévisible.

Cette année, si certains câbles ont été recouverts d’isolants de couleur orange comme un pictogramme d’avertissement d’un danger imminent, il reste toutefois, à moins de 15 jours du carnaval, d’autres câbles non isolés ou non encore isolés sur le parcours. L’on se demande pourquoi. Ne sont-ils pas dangereux aussi ? En tout cas, dans l’histoire du carnaval, nous ne sommes pas à notre premier incident. Un câble du même genre au niveau de l’avenue de la république avait privé Roberto Martino (Met Béton an), comme on l’appel bien en période carnavalesque, de son dernier jour gras, jour déterminant dans la polémique avec Djakout mizik. Dans cette perspective, croit-on que la prévention est une donnée inscrite dans le génome étatique?

Néanmoins, plus d’un pense que cette action s’inscrit dans le cadre d’une prévention car nous sommes aujourd’hui 27 janvier et les 3 jours gras commenceront à partir du dimanche 7 février. Cela dit, le comité se prépare à recevoir les chars musicaux au milieu de foules compactes sans avoir à s’inquiéter de ce qui se passera sous les câbles électriques, du moins aux environ de l’angle de la rue sincyr et la rue capois. Cependant, on est en droit de se poser au moins une question. Pourquoi seulement l’ère de la rue sincyr et capois ?

Pour ceux/celles qui étaient à Port-au-Prince ou qui avaient la possibilité de visiter ou de constater le lieu du drame de 2015, ils sauront que c’est exactement à cet endroit qu’il s’était produit. Cependant, cela pourrait se produire à n’importe quel niveau du parcours tellement celui-ci est fait de câbles non isolés à la hauteur des chars donc potentiellement dramatique. Alors, comment parler de prévention si cette action vient après le drame ? De plus, est-il possible que l’on use le mot « prévention » si ce n’est qu’à cet endroit que les câbles seront isolés ? Car, au cas où seulement l’espace du drame serait concerné, ce serait de préférence une réaction ou une réponse au drame et non une action préventive. Ainsi donc, une réaction n’est pas un acte de prévention.

La perception d’agir après coup semble pourtant caractériser le type d’Etat que nous avons. Est-il en passe de confirmer pour une énième fois que le titre d’ « Etat pompier » qu’on lui confère lui convient bien ? Si les autres câbles aussi dangereux qu’ils puissent être ne seront pas pris en compte dans le processus d’isolation nous pouvons donc conclure sans ambages que ce n’est qu’une « opération pompier » car d’autres drames seront encore imminents à ce moment-là.

La prévention doit être une action efficace destinée à empêcher la survenue d’une catastrophe, d’un danger ou d’un drame. Il doit prendre en compte les évènements du passé et ceux qui pourraient être arrivés dans un futur proche. L’action qui vise à anticiper est la seule qui doit être considéré comme préventive, celle destinée à panser ne l'est aucunnement voire curative. A cet égard, d’aucuns pensent qu’isoler les câbles provoquant l’incident de l’année dernière puisse réparer les dégâts observés. Les familles endeuillées perdent leurs proches à tout jamais. Pourtant, c’aurait été un geste responsable aux yeux de celles-là de faire en sorte que ce drame ne se reproduise plus. Pour l’heure, on n’est pas sûr qu’un drame du même genre soit prévenu.

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